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Mémoire de Samir Abdelli : pour une approche monographique de la vie d’Eva de Vitray-Meyerovitch (1909-1999). Trajectoire singulière entre sciences et spiritualités. Université de Bordeaux Montaigne (2020-2021).

Extrait du mémoire consacré à Eva de Vitray-Meyerovitch

Eva de Vitray-Meyerovitch (1909-1999) est une chercheuse en sciences sociales et une intellectuelle musulmane de sensibilité soufie. La singularité de sa trajectoire intellectuelle et religieuse nous interrogent. Issue d’une famille de la bourgeoisie catholique de Boulogne-sur-Seine, elle reçoit une éducation religieuse et poursuit ses études avant de s’adonner à un doctorat d’État sur la philosophie de Platon. Doctorante, administratrice civile et jeune mariée, Eva de Vitray-Meyerovitch se construit très tôt comme une femme active et intellectuelle. Animée d’une certaine curiosité pour les traditions religieuses, ses années passées à l’université lui ouvrent les portes des cercles étudiants indianistes et des sagesses orientales. Après l’épisode sanglant de 1939-1945, particulièrement rude pour cette femme mariée à un letton de confession juive, elle entame une carrière de cadre administratif au CNRS. Elle y fait la découverte de l’islam à travers l’œuvre d’un poète et philosophe indien, Muhammad Iqbal (1877-1938). Ce dernier lui fait connaitre Djalāl al-dīn Rūmī (1207-1273) dit « Mevlana », un poète mystique persan du XIIIe siècle à qui l’on attribue la fondation de l’ordre des derviches tourneurs. L’universalisme découvert la bouleverse au point d’impulser un tournant de son itinéraire religieux puis de se convertir à l’islam. Elle s’y adonne sa vie durant et s’initie au soufisme auprès de maîtres contemporains. Elle dédie une thèse à la poésie et mystique de Rūmī et participe à la diffusion de son œuvre dans le monde francophone. Bien qu’installée à Paris, elle réalise de nombreux voyages dans les pays musulmans dans le cadre de ses recherches. Enfin, plus largement, Eva de Vitray-Meyerovitch incarne la figure d’une intellectuelle religieuse à la croisée des sciences sociales, de l’islam et du dialogue interreligieux. Son parcours livre à l’historien de précieuses informations sur son itinéraire de conversion religieuse, sa façon de vivre l’islam en France et de s’engager intellectuellement à cet égard. Sa fascination pour Rūmī la suit jusqu’à sa mort. Ce lien étroit perdure même à titre posthume puisqu’elle est inhumée à côté de son mausolée à Konya en 2008, le jour de sa fête annuelle commémorative et nationale (Seb-i Aruz).